« Cancer : mieux comprendre les vaccins thérapeutiques »
Selon les actualités scientifiques, les vaccins thérapeutiques pourraient être une nouvelle révolution dans la prise en charge des cancers...rêve ou réalité ? Que sont ces vaccins, où en est-on, quels bénéfices en attendre ? Autant de questions auxquelles répondent le Pr Benjamin Besse, oncologue médical et directeur de la recherche clinique de l’Institut Gustave Roussy, et le Marc Michel, chef de service en médecine interne et immunologie clinique au CHU Henri-Mondor, lors d’une webconférence organisée par Patients en réseau.
Quand on parle de vaccin, on pense à la prévention des maladies infectieuses. Or les vaccins thérapeutiques ne préviennent pas le cancer, ils le combattent. « Ils font partie du champ de l’immunothérapie, explique le Pr Benjamin Besse. On va éduquer le système immunitaire à reconnaître ce qui fait partie de la carte d’identité du cancer ». Grâce aux outils de biologie et de génétique moléculaire, on peut identifier les antigènes de surface des cellules tumorales et ainsi obtenir l’empreinte digitale du cancer.
« On peut comparer le système immunitaire à une armée, avec des généraux et des soldats, observe l’oncologue. Les généraux sont les cellules dendritiques, qui vont montrer aux soldats, c’est-à-dire aux lymphocytes T, les ennemis à casquette rouge qu’il faut agresser. Ces casquettes rouges sont les antigènes tumoraux ». Mais ce n’est pas si simple, car les soldats sont parfois fatigués et peu compétents. Ainsi, les lymphocytes présentent des marqueurs pouvant être endormis. On dit qu’ils sont sénescents et dans ce cas, les patients ne répondent pas à l’immunothérapie et on ne sait pas s’ils seront sensibles aux vaccins thérapeutiques. « Grâce à une prise de sang, on prélève des lymphocytes et on regarde s’ils sont compétents c’est-à-dire s’ils présentent ou non ces marqueurs endormis », précise le Pr Besse.
Différents types de vaccins thérapeutiques
Il existe trois grandes familles de vaccins thérapeutiques :
- Les vaccins cellulaires, fabriqués à partir de cellules tumorales entières.
Par exemple, on a isolé 4 lignées de cellules tumorales issues de cancer du poumon et on leur a injecté un nouveau gène pour qu’elles expriment une cytokine, c’est-à-dire la ‘casquette rouge’. « Mais les essais ne montrent pas de protection des patients contre la progression du cancer », indique l’oncologue.
Une autre étude a testé un vaccin dans le cancer de la prostate. Cette fois, on extrait les globules blancs du patient grâce à une aphérèse (le sang est filtré par une machine), et on les charge avec un antigène spécifique de la tumeur. Ils sont ensuite éduqués à reconnaître cette casquette rouge, avant d’être réinjectés. Selon le Pr Besse, Il semblerait que ce vaccin freine la progression du cancer. Il a d’ailleurs été mis sur le marché aux Etats-Unis. En revanche, son autorisation n’a pas été accordée en Europe, car il est très coûteux et son bénéfice n’apparaît pas suffisant.
- Les vaccins protéiques, fabriqués à partir d’antigène spécifique de la tumeur.
Un essai très large a été mené avec un antigène exprimé dans 30 à 50% des cancers du poumon, mais pas dans les tissus normaux. L’objectif était de réveiller le système immunitaire pour détruire les micro-métastases ayant échappé à la chirurgie. Là encore, les résultats ont été décevants.
Autre exemple dans le cancer bronchique métastatique, avec 9 peptides qui représentent des petits fragments de casquette rouge exprimés sur les cellules tumorales. Mais cet essai a été arrêté, en raison de la campagne de vaccination contre le covid qui avait lieu en même temps. Une nouvelle étude devrait cependant démarrer en fin d’année afin de tester l’efficacité de ce vaccin.
- Les vaccins à ARN : fabriqués au moyen d’ARN messager.
« En laboratoire, on génère un ARN messager que l’on va injecter au patient, et qui va permettre de produire le marqueur tumoral correspondant à l’identité de la tumeur. Celui-ci va stimuler le système immunitaire, qui va réagir spécifiquement contre ce marqueur », indique le Pr Marc Michel. Par exemple, un essai est en cours dans le mélanome. A partir de la tumeur du patient, on détecte en moyenne 34 antigènes du mélanome et on va fabriquer un vaccin très complexe, totalement personnalisé.
Les vaccins thérapeutiques suscitent beaucoup d’espoir, et de nombreux essais thérapeutiques sont menés dans tous types de cancer : poumon, prostate, pancréas, ovaire, ORL… D’autant qu’ils peuvent être associés à d’autres traitements comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou les thérapies ciblées. Ils peuvent également être combinés à l’immunothérapie. « Leurs effets se potentialisent : on stimule le système immunitaire et on l’éduque en même temps », indique le Pr Besse. Que l’armée se tienne prête, nos soldats s’entraînent à vaincre les casquettes rouges !
Retrouvez le replay de notre webconférence Link du 3 avril 2024 "Cancer : mieux comprendre les vaccins thérapeutiques? " avec :
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Article rédigé par Sandrine Chauvard suite à la webconférence du 3 avril 2024
Auteur : Sandrine Chauvard
Source : Patients en réseau et Dis-moi Santé